Et si on se faisait plaisir
Côté Santé - Mars 2009
Propos recueillis par Tom Aldébaran
S'accorder chaque jour des petits plaisirs peut vous paraître anodin. Il n'en est rien! On ne s'autorise pas si facilement à se faire plaisir. Pourtant, cela joue un rôle clé dans notre équilibre. Le point sur les bienfaits biologiques et psychologiques du plaisir!
Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ,
vous lance un gentil serveur alors que vous êtes plongée le nez dans la carte. Instantanément vous pensez Tourte de pomme de terre ou Beaufort ou moelleux ou chocolat et voilà que vous commandez, salade diététique, et Badoit. Quand vous avez la chance de l'entendre de la bouche de votre moitié, vous imaginez peut-être spa de rêve aux Maldives ou Carnaval à Rio, et vous lui susurrez, «juste un baiser, mon ange».
Grands et menus plaisirs
Si vous preniez seulement deux secondes pour vous poser la question sur ce qui vous ferait plaisir, sons doute vous viendrait-il une foule d'idées folles, avant de sourire en vous accordant quand même le temps d'un bain chaud aux huiles essentielles. Bravo. Les menus plaisirs ne se boudent pas. Avouez toutefois que vous ne vous en autorisez pas si souvent. Quant aux grands plaisirs, ces moments de félicité qui tissent la toile de notre mémoire affective, ils jalonnent notre existence, bien sûr, mois ils sont davantage les fruits du hasard, que ceux de notre volonté. Quel est l'enjeu avec le plaisir, pour qu'on ait tant de mal à lui faire de la place, alors que c'est un élément clé de notre équilibre ?
Petite définition du plaisir
Qu'on ne s'y trompe pas, le plaisir est une affaire sérieuse que nombre de philosophes ont explorée. Dans son livre « Quatre plaisirs par jour au minimum »*, Évelyne Bissone a retenu une définition qui pourrait à la fois satisfaire notre curiosité et nous donner des pistes. Très épris de plaisirs simples, tout comme nous, Epicure préconise «de se libérer des pensées trompeuses qui nous font souffrir et de vivre l'instant présent, conformément à la nature environnante». En clair, explique l'auteur, «il s'agit de quitter une attitude mécanique, routinière, qui est celle de nombre d'entre nous, pour ouvrir la porte de nos cinq sens et sentir, ce qui nous fait plaisir».
Les bienfaits biologiques du plaisir
Bonne nouvelle, se faire plaisir fait du bien ou corps... Ce n'est plus un secret nos émotions s'accompagnent de modifications physiologiques, qu'elles soient positives ou négatives. «D'un point de vue biologique, les états de plaisir sont répercutés dans le corps par un pouls et une respiration ralentie, une baisse de la pression artérielle», signale le neurobiologiste Jean-Didier Vincent (Voyage extraordinaire au centre du cerveau, Éditions Odile Jacob). Savourer des cerises, tremper ses pieds dans une rivière de montagne, parler avec tendresse à une personne aimée, s'accompagne indéniablement d'un flux d'endorphines, qui pourraient avoir les mêmes effets sur le corps qu'un massage. Grâce à la sensation de plaisir, notre corps peut à nouveau être perçu comme une source de bien-être, plus qu'un fardeau.
Le plaisir : Clé de l’estime de soi
Se faire plaisir équivaut à se prendre en compte. Déguster un risotto, écouter le chant des baleines, en faisant fi des règles diététiques ou des sourires amusés de votre douce moitié, rehausse l'estime de soi. «Ne pas le faire, au contraire crée des frustrations, qui répétées peuvent générer de l'agressivité ou inversement des coups de déprime», prévient Évelyne Bissone Jeufroy. Prendre du plaisir est une affaire toute personnelle, en saisir la nature spécifique pour chacun, nous guide vers une meilleure connaissance de soi.
Nos freins au plaisir
Nombreux pourtant sont les obstacles et les interdits que nous plaçons entre nous et notre plaisir. Les raisons les plus souvent évoquées sont le manque de temps. «Me faire plaisir, comme si j'avais que ça à faire», rétorque Louise, enseignante et mère de deux enfants. Entre le travail, les courses, les devoirs des enfants, le plaisir est relégué ou rang du divertissement pour beaucoup. Du luxe, pour d'autres. Une étude récente a révélé que 56 % des achats de luxe était réglés en espèces par les femmes: «Se faire plaisir a un coût, onéreux parfois que l'on se garde bien de révéler.»Tabou,le plaisir ? «Bien entendu, sinon pourquoi s'en cacherait-on !», répond Évelyne Bissone Jeufroy. Encore aujourd'hui assimilé à un fruit défendu, inquiétant et culpabilisant. le plaisir essaye de se frayer un chemin entre gêne et inhibition... La faute à notre tradition judéo-chrétienne à laquelle nous semblons encore très attachées... Résultat: coincé entre la culpabilité d'en éprouver, et notre désir de perfection qui nous fait omettre nos besoins primordiaux, nous avons pris l'habitude de vivre sous pression, et non dans le plaisir...
Les pistes
«Quatre petits plaisirs par jour au minimum », recommande Évelyne Bissone. Il ya de grandes chances que vous tâtonniez ou départ voire que vous vous limitiez, entre le bain aux huiles essentielles, ou la tarte Tatin surmontée de chantilly que vous vous interdisez. Oubliez tout jugement hâtif et censures inhibantes. L'essentiel est de s'y mettre.
Première étape : explorer
«En matière de plaisir, votre meilleur guide réside dans votre sensorialité», signale Évelyne Bissone Jeufroy. C'est facile, ouvrez grands vos écoutilles et vos mirettes. Il ya sûrement des musiques qui vous donnent des sensations agréables, et d'outres moins. Bingo ! Faire le choix volontaire d'écouter un morceau qui vous fait du bien c'est se faire plaisir. Idem pour les odeurs, celle du café, du chocolat chaud, ou de l'ambre dans un diffuseur... Toutes celles qui sont associées à un frisson de volupté peuvent faire partie de votre liste. La chaleur des premiers rayons de soleil sur votre peau, aussi. Ressentir est le mot clé, redonner les rênes ou corps peut vous emmener sur ce chemin: lui sait ce qui vous fait plaisir.
Deuxième étape : se souvenir
Les grands plaisirs ont en commun de marquer notre mémoire et de faire refluer à notre bon souvenir des frissons de plaisir. Certains moments, souvent intenses, dans notre vie conservent un goût unique et savoureux. Parfois partagés ou bien vécus seuls, ils sont ; autant d'indications sur qui vous êtes. Les véritables piliers d'une vie épanouie. Partez à la recherche de ces moments-là dans votre cœur. Rappelez-vous ce qui vous fait vraiment plaisir, comme retrouver un être cher après un voyage, une demande en mariage, marcher dans le désert en communion avec la nature... Ce sont les véritables piliers, d'une vie épanouie, qui vous ouvriront à en accueillir d'autres.
Troisième étape : passer à l'action
Dressez la liste des menus et grands plaisirs que vous avez identifiés et engagez-vous à en honorer quatre par jour. Ça peut être très simple. Évelyne Bissone évoque une patiente qui décide de se rendre à son travail à vélo, une autre qui va à la piscine entre midi et deux. Couchez sur le papier, tout ce qui vous passe par la tête: appeler une amie, croquer dans une .pomme, lire deux trois pages d'un livre, danser sur un morceau de musique... Il y a de grandes chances qu'au départ vous vous limitiez à un ou deux, peu importe, l'essentiel est de lancer la machine...
* Quatre plaisirs par jour, au minimum ! , d'Évelyne Bissone Jeufroy, Éditions Payot.